Two Lovers : Le trouble du désir

Martin Cadot

7/4/20252 min read

L’amour ne naît-il pas d’un manque, d’un creux, du désir de ce qui échappe ? Il surgit dans la tension, dans la tentation, sans jamais tout saisir, sans jamais tout comprendre. Il y a l’attirance physique, oui, mais aussi le vertige de vouloir aider quelqu’un, de tendre la main à une âme en dérive qui s’échoue par hasard dans notre vie. Et puis il y a l’attrait d’une facilité : celle d’un amour sans heurt, sans grande quête, sans la frustration du manque. Une histoire possible, à portée de main.

Mais l’humain ne se laisse-t-il pas happer par cette contradiction : vouloir la simplicité tout en étant attiré par la complexité ? Chercher ce qui résiste, ce qui ne vient pas naturellement, ce qui nous échappe. Le désir est peut-être un cadeau qu’on devine, qu’on attend, qu’on redoute même parfois. Une tentation qui précède une possession, et puis soudain, plus rien. Le désir s'efface aussitôt qu’il est comblé. Tandis que dans l’attente, dans l’incertitude, dans cette danse incertaine vers l’inaccessible, quelque chose grandit en nous : une joie suspendue, une espérance vibrante.

Dans Two Lovers, James Gray filme ce trouble-là. Léonard pourrait épouser Sandra, la fille d’amis de ses parents. Elle est douce, présente, rassurante. Un amour possible, une vie tracée. Mais c’est Michelle, sa mystérieuse voisine, qui fait battre son cœur. Elle est instable, lumineuse, perdue. Avec elle, tout semble plus complexe, plus risqué – donc plus vivant. Léonard, que l’on découvre fragile, en proie à des rechutes dépressives, semble au bord d’un gouffre. Mais ce n’est pas la maladie qui gouverne ses choix : ce sont ses sentiments, sa tendresse, son besoin d’aimer et d’être aimé. Comme tout le monde.

Le film se déploie comme une élégie douce-amère. Rien n’est excessif, tout est retenu. James Gray évite l’esbroufe, privilégie la pudeur. La mise en scène est à l’image du personnage : sensible, vacillante, lucide. Dans une ville débordante de vie mais où tout semble s’épuiser, l’amour apparaît comme un flottement, un état de suspension. Il devient une manière d’exister au monde, de s’y accrocher malgré tout. Car aimer, c’est se sentir vivant. Dans le tumulte, dans l’excitation, quelque chose se joue – une danse lente et confuse, une chorégraphie de sentiments exaltés.

Martin Cadot