Sophie's Choice : Une œuvre magistrale, aussi difficile qu'inoubliable
CRITIQUE ANCIENS FILMS
Manon Massène
9/22/20253 min read
Ceux qui ont déjà visionné Sophie's choice diront sûrement qu'ils ne verront ce film qu'une seule fois dans une vie.
Adapté du roman de William Styron, Sophie's Choice met en scène une femme polonaise, Sophie Zawistowski, incarnée par Meryl Streep, survivante des camps nazis qui vit à Brooklyn. C'est à travers le regard du jeune écrivain Stingo que le film s'articule; son récit devient le nôtre et c'est avec lui que nous explorons la complexité des personnages, leurs contradictions, et la manière dont chacun tente de vivre avec ses démons.


Pakula opte pour une réalisation discrète et observatrice pour laisser toute la place aux acteurs et au récit. Il laisse le spectateur suivre Stingo dans l'enquête qu'il mène sur le couple tant admiré. Pakula laisse la gravité s'installer, il n'a pas peur du temps. C'est sans doute grâce à ce parti-pris que nous accédons à la prestation plus que sensationnelle de Meryl Streep. Son incarnation est organique, intense, habitée. Sa capacité à osciller entre fragilité, sensualité et douleur brute lui vaut d'ailleurs l'Oscar de la meilleure actrice. Elle pétille une seconde, puis nous impose le pire l'instant d'après. Sa justesse en fait l'une des performances les plus marquantes de l'Histoire du cinéma.
Kevin Kline, quant à lui dans le rôle de Nathan, livre une interprétation brillante et explosive. Tout le monde le trouve fantastique, drôle et imprévisible. Nathan est tout bonnement génial, mais schizophrène. Sa folie destructrice le grignote petit à petit, entraînant dans sa chute tous ceux qui se risquent à l'aimer.
Son idylle avec Sophie est d'une passion dévorante et fascinante, et pourtant, l'amour est loin d'offrir un refuge pour cette dernière, qui s'enfonce dans une dépendance qui allie violence et mensonge. On se demande alors, a-t-elle choisi cette relation comme punition à son fardeau éternel ? Peut-être qu'au fond, elle a toujours su qu'elle n'aurait jamais d'échappatoire. Côtoyer la folie dans sa forme la plus pure semblerait alors la meilleure manière d'adoucir sa survie.


Leur relation incarne l'impossibilité de concilier réalité et illusions. Les chimères finissent par engloutir tous les personnages; même le jeune écrivain Stingo, témoin extérieur et idéaliste invétéré. Sophie pourrait presque s'extirper de son passé insoutenable grâce à lui, mais elle choisit la chute, le gouffre. Car Nathan, malgré sa folie, semble mieux que quiconque percevoir qui elle est et ce qu’elle tente de dissimuler. Leur amour, construit sur des ruines, n’est qu’une fuite éphémère. Mais dans ce laps de temps, l’écran nous donne à voir un amour total.
Le film impose une réflexion plus large sur les séquelles de l’Histoire. Le fameux choix de Sophie, dévoilé dans une scène insoutenable, devient l’incarnation de la barbarie nazie et du fardeau moral imposé aux survivants. Sophie a été condamnée dès lors où elle a osé choisir. Cet acte irréversible la prive à jamais de toute rédemption. Figure tragique, elle nous confronte à une question vertigineuse : peut-on vivre après l’horreur ? Survivre, c’est parfois consentir à l’impossible. Mais comment alors mesurer la dignité humaine ?
Sophie's Choice n’est pas seulement une fresque sur la Seconde Guerre mondiale: c’est une méditation sur la mémoire, la culpabilité et les limites de la survie. Les flashbacks dans l’Europe dévastée contrastent avec la chaleur de Brooklyn, accentuant le fossé entre passé et présent. Alan J. Pakula montre que l’Histoire, lorsqu’elle atteint de tels sommets de barbarie, laisse derrière elle des vies fracassées.


Ce serait injuste pour moi de vous révéler le choix de Sophie, car c'est tout l'objet du film. Une œuvre que je conseillerai toujours avec tout mon cœur et mes tripes. Même s'il est douloureux, il vous réveille.
Manon Massène

