Rashomon : Un procès en pleine averse

CRITIQUE ANCIENS FILMS

Marylou Tardieu

7/26/20252 min read

Un viol ou un meurtre ; lequel est le plus terrible à juger ?

Rashomon est déroutant à regarder dès le début. Entre trois lieux : une forêt, un abri et un tribunal, le spectateur n’a de choix que d’assister passivement à un procès incluant un bandit, un homme mort, sa femme et un bûcheron qui a trouvé le corps.

Malgré ce contexte cru, Kurosawa tient à nous faire nous sentir accueilli. Le peu de personnage et de lieux nous rend rapidement familier à eux. On est aussi vite accro à la scénographie naturelle : forêt, pluie. Mais l’atmosphère est tout de même toujours tendue…

De fil en aiguille les témoignages s’enchaînent ; le bûcheron, le bandit, etc. Mais plus on les entend, plus on est perdu, rien n’éclaire ce drame. Chaque témoignage se contredit et tous pourraient être la vérité, ainsi comment juger l’évènement ? Kurosawa n’essaie pas de répondre à cette question dans le film, à la place, il met en avant, sous nos yeux, combien il est aisé de raconter une fausse réalité.

La ligne est fine entre la réalité de l’évènement et ce que chacun raconte. Pourtant, qu’est-ce qui expliqueraient que même les victimes réarrangent la réalité ? Car la justice, et donc la vérité, devrait pourtant être leur issue ?

Ajoutons maintenant à cela le plus important : le cœur de la tension. Si effectivement un meurtre est certes assez dramatique, cet évènement n’est pas le nœud du problème, loin de là. La tension vient d’un viol, et cela change tout, car les rapports de force sont toujours actifs lors du procès. Et personne n’arrive vraiment à raconter cet acte. Le spectateur est sans voix, confus, entre tous les témoignages incohérents.

Ce film m’a marqué car Kurosawa amène ce sujet sans que le spectateur ne s’en rende compte. Il attire le public par un mystère de meurtre en forêt, pour ensuite le bousculer en le mettant face à une agression sexuelle. Avant même de le réaliser, nous sommes face à notre réaction crue ; contre qui sommes-nous en colère ?

A partir de là, deux choix s’offrent à nous : perdre le fil de ce film labyrinthique, ou se perdre dans le labyrinthe pour essayer d’en trouver la sortie.

Au final, nous n’avons d’autre choix que de constater que chaque personnage a priorisé son image. Entre réputation et domination, personne ne veut rien perdre, même s’il en coûte la justice.

Kurosawa, en 1950, signe un film qui témoigne d’une époque malheureusement toujours actuelle. Il porte un regard observateur, mais non anodin, sur ce sujet qui nous concerne tous.

Marylou Tardieu