Mektoub my love : Canto uno d'Abdellatif Kechiche : poésie estivale de Enzo Beaufort
CRITIQUE ANCIENS FILMS
Enzo Beaufort
9/8/20253 min read
23 mai 2019. Mektoub my love: Intermezzo, la suite de ce Canto Uno est projetée à Cannes, créant la polémique et la colère de certains spectateurs : en cause, 3h30 de scènes trop explicites et une seconde moitié de métrage interminable se déroulant en boîte de nuit. Cette suite ne verra finalement jamais le jour sur nos écrans.
9 août 2025, ce scandale est effacé avec le réel deuxième opus de cette « saga » : Mektoub my love: Canto Due, présenté au festival du film de Locarno en Suisse, bien moins long et outrancier selon les critiques. Il ne devrait d’ailleurs pas tarder à arriver dans les salles obscures françaises. Et alors que l’été s’est achevé et que le quotidien de la vie a remplacé le farniente, quoi de mieux que de se replonger dans le premier film de ce diptyque : Mektoub my love: Canto Uno, sorti en 2018.
Sète, 1994. Amin, photographe et apprenti scénariste installé à Paris, retourne un été dans sa ville natale, pour retrouver sa famille et ses amis d’enfance. Accompagné de son cousin Toni et de sa meilleure amie Ophélie, Amin passe son temps entre restaurants, bars et plages où il rencontre Céline et Charlotte, deux vacancières pour quelques temps à Sète. De ce résumé très simpliste vont découler rencontres, joies et peines dans ce métrage qui respire la fougue de la jeunesse et la chaleur de l’été. La séquence d’ouverture est en quelques sortes un condensé de cette œuvre : Kechiche, à travers le regard observateur et en retrait d’Amin, filmera le mélange des corps mais aussi et surtout les regards et les échanges, parfois très longs, comme lorsqu’on retrouve un ami d’enfance en définitive. Pas de montage outrancier faisant oublier la spontanéité des évènements. Ici, Abdellatif Kechiche souhaite capturer de vrais moments de vie au travers de ses acteurs et fait donc durer les scènes, à la manière de son primé La graine et le mulet sorti en 2007.
Mektoub my love: Canto Uno, c’est aussi un jeu sur la lumière, tantôt éclatante dans les scènes de jour où le soleil baigne l’image et magnifie le paysage Sètois ; tantôt stroboscopique, éclairant les corps qui se rapprochent et s’éloignent sans cesse dans la séquence de boîte de nuit.
Amin est le personnage clé de ce métrage. Très souvent observateur de ses amis, il traverse le film en étant le repère du spectateur dans cet été sulfureux. Jamais dans l’exubérance comme peut parfois l’être son cousin Toni, il préfère la contemplation de la beauté des instants comme le montre la magnifique scène de naissance dans la bergerie. Dans la dernière scène du métrage où le tumulte incessant des soirées laissera place à la douceur des sentiments, Amin délaissera l’observation pour l’action en réconfortant Charlotte, abandonnée par Toni et Céline.
La performance exceptionnelle de ces acteurs (Shaïne Boumedine, Ophélie Bau, Lou Luttiau, Alexia Chardard, Salim Kechiouche etc.) est à souligner. Ils parviennent à nous transmettre toute la sincérité qui découle de ce métrage. On notera aussi l’apparition d’Hafsia Herzi, géniale comme à son habitude.
Mektoub my love: Cant Uno est donc pour moi un film majeur de Kechiche, une œuvre assez brute qui communique sa fougue et son désir incessant de liberté et qui finit par nous donner l’envie la plus pressante de partir sillonner les plages et les bars sous le soleil brûlant de l’été tout en écoutant du PNL.
Enzo Beaufort





