La Venue de l'avenir

CRITIQUE NOUVEAUTÉS

Romain Dubois–Gombert

7/25/20254 min read

Le Péril Jeune est un de mes films bonbons, le genre de film que je peux revoir souvent et qui me rend heureux à chaque fois que je le vois. Car Cédric Klapisch donne l’impression d’avoir compris cette jeunesse et semble profondément aimer ses personnages, même dans leurs côtés agaçants. Il la filme comme s’il faisait partie de cette bande, comme un ami.

J’ai donc commencé à regarder d’autres films de Klapisch, cherchant à retrouver cette énergie qui m’avait tant plu. Et je crois que malheureusement, à chaque fois, le cinéaste m’a déçu, comme s’il avait perdu son insolence mais aussi sa manière si juste de parler de la jeunesse et même du monde en général.

Je partais donc craintif en allant voir La Venue de l’avenir, déjà à cause du jeu de mot assez douteux dans le titre, mais aussi à cause de son casting composé presque uniquement d’enfants de stars comme Suzanne Lindon ou Vassili Schneider. Pourtant, le concept du film — un voyage dans le temps entre notre époque et la fin du XIXe siècle — avait de quoi intriguer. D’autant plus que c’est la première fois que Klapisch réalise un film d’époque.

Malheureusement, le résultat est non seulement en dessous de mes attentes, mais recycle en plus tous les défauts récurrents de son cinéma depuis quelques années. Le scénario suit quatre personnages : Seb, Abdel, Céline et Guy. Ils se retrouvent après avoir appris qu’ils étaient de la même famille, pour faire l’état des lieux d’une maison dont ils ont hérité. Seb, interprété par Abraham Wapler, est le cliché parfait du jeune collé à son téléphone qui finira par « se reconnecter » à sa famille. Guy, joué par Vincent Macaigne, incarne globalement… Vincent Macaigne. Zinedine Soualem joue Abdel, un professeur des écoles un peu sec au début mais bienveillant, et Julia Piaton interprète Céline, une quarantenaire anxieuse, dépassée mais touchante.

Tous ces personnages très différents vont bien sûr apprendre à se connaître et à s’aimer. Mais le problème, c’est qu’aucun n’est vraiment développé. Ils agissent comme des archétypes un peu figés, trop écrits, et leurs relations paraissent artificielles. Il y a toujours une distance entre le spectateur et ce groupe, qui finit par tourner en rond sans jamais vraiment émouvoir. Le film multiplie les personnages et les intrigues secondaires pour créer des histoires d’amour sans consistance : un triangle amoureux autour de Seb, coincé entre sa copine trop « artificielle » et une autre jeune femme qui n’a droit à aucun développement. Elle coche toutes les cases du personnage féminin fantasmé écrit par un homme : idéale, douce, et sans personnalité propre, uniquement là pour faire évoluer le héros.

Klapisch accumule les personnages sans en faire exister aucun. Il rajoute même en cours de route un rôle interprété par Cécile de France, qui développe une histoire d’amour avec Abdel, son ancien prof de français. On a aussi droit à une romance bancale entre les personnages de Macaigne et Piaton, qui sont pourtant cousins. Tout cela paraît plaqué, comme si chaque arc répondait à une case à cocher.

Le film veut traiter de sujets sérieux : l’importance de la famille, l’écologie, le capitalisme… Mais tout reste très en surface. L’écriture semble éviter de froisser qui que ce soit. Et malgré ses ambitions « universelles », le film reste focalisé sur la classe moyenne-petite bourgeoisie, ce qui limite l’impact du propos.

La partie historique, pourtant séduisante sur le papier, ne fonctionne pas beaucoup mieux. Certes, les décors et les costumes sont beaux, certaines idées de mise en scène sont ingénieuses, mais Klapisch romantise constamment cette période et peine à établir un vrai lien entre les deux époques. Le personnage d’Adèle (Suzanne Lindon), censé être central, se retrouve coincé dans une romance plate et une quête familiale peu engageante, avec des figures historiques (Nadar, Victor Hugo) qui tombent un peu comme des gimmicks.

La pire scène du film reste celle où les personnages des deux époques se rencontrent après avoir pris de l’ayahuasca. Cette séquence, longue et gênante, donne l’impression qu’il fallait raccrocher toutes les intrigues à tout prix. Le film insiste lourdement sur l’importance de l’art, sans aucune subtilité.

Au final, L’Avenue de l’avenir est un film ambitieux mais constamment décevant, à cause d’un scénario trop éparpillé et de personnages caricaturaux. Ce n’est pas un mauvais film en soi : certaines idées visuelles sont intéressantes, et ce n’est jamais désagréable à regarder. Mais ce n’est toujours pas le film qui va me réconcilier avec le cinéma que propose Klapisch depuis quelques années.

Romain Dubois–Gombert