Escape from the 21st century : un billet pour un voyage dans le temps hallucinant
CRITIQUE ANCIENS FILMS
Klara Benard
9/24/20254 min read
« Le plus grand mensonge que l’on nous dit est que les choses iront mieux quand nous serons grands. »
Sorti en salle il y a peu, mais projeté dans plusieurs festivals internationaux en 2024 (Strasbourg, ou encore Toronto), « Escape from the 21st century », réalisé par le cinéaste chinois Yang Li, se singularise par une explosion d’émotions visuelles et auditives.
Le gros succès des films Everything Everywhere All At Once (2024), Ready Player One (2018) et Le Royaume des Abysses (2024) avait remis sur le devant de la scène le genre SF/action haut en couleurs. En réalisant « Escape From The 21st Century », produit par Charybde Distribution, Yang Li décide d’aller encore plus loin en offrant au spectateur un objet loufoque, sorte de teenage movies saturé d’images psychédéliques et porteur d’un message universel.
Tourné à Pékin ainsi qu’à Huizhou, dans la province de Guangdong, Escape From The 21st Century met en scène trois adolescents, Pao-Pao, Chengyong et Wang Zha, en1999, sur la planète K. Après une bataille enragée contre un gang, les trois adolescents se jettent à l’eau dans une mer en technicolor. En sortant, un simple éternuement leur permet de voyager dans le temps entre 1999 et 2019. Dans ce scénario, qui ne choisirait pas de tenter de changer son destin ?
« C’est le moment pour les effets spéciaux »
Mélangeant jeu vidéo, 3D, BD/manga ou encore animation japonaise avec de la 2D et des images de synthèse, Escape From The 21st Century s’impose dans le monde de la pop culture asiatique. L’utilisation de l’humour old school des années 80 ajoute une nouvelle dimension temporelle, comme une référence au passé.
Les époques sont très contrastées : l’été 1999 apaisant, chaud et naïf, avec un ratio plutôt carré tandis que l’année 2019 est plongée dans une nuit chromée dystopique cyberpunk comparable à Blade Runner (1982) et Metropolis (2001) avec un ratio rectangulaire et étouffant. L’année 2019 n’est que chaos et incertitude pour les personnages principaux.
Le choix du sound design est un élément central du film ; les tubes des années 80-90 saturent les tympans, des cris stridents et héroïques, des effets sonores à couper le souffle nous transportent dans un autre monde, électrisé, survolté et définitivement pop.
« Et si le future était pire que le présent ? »
Les trois personnages principaux sont des adolescents ordinaires, naïfs, en proie à des insécurités et problèmes personnels. Yang Li a mis un peu de lui-même en eux, en leur attribuant ses trois plus gros défauts : incapables de demander de l’aide aux autres, ils craignent l’avenir et traînent une image déformée d’eux-mêmes.
La tentation est grande de changer le futur. Mais, empêtrés entre les conflits amoureux et amicaux propres à leur âge et leurs doutes existentiels, le trio peine à changer. Doivent-ils faire confiance à l’avenir qu’ils entrevoient ? Finalement, grandir oblige-t-il à perdre l’espoir d’un monde meilleur et à abandonner ses rêves ? Le film transcende la détresse des personnages, malgré les images hautes en couleur. Le genre coming of age n’est pas loin, questionnant le passage à l’âge adulte et l’émancipation de soi. La morale est libératrice, car au bout c’est notre capacité à grandir et à faire évoluer notre perception des choses qui tracera l’avenir.
Peut-être n’avez-vous pas bu six Redbulls et dormi deux heures cette nuit, mais vous apprécierez sûrement ce film « extra » : extra-coloré, extra-visuel, extra-auditif, extra-émotionnel, extra-inventif, qui ne se lit pas mais se regarde. C’est une bouffée d’air frais et une vraie réflexion sur l’avenir et sur le fait de devoir grandir trop vite dans un monde parfois un peu trop cruel. Malgré des ellipses dans le temps parfois un peu acrobatiques, Escape From The 21st Century réussit à maintenir une compréhension scénaristique en suivant une logique linéaire qui nous captive jusqu’à la fin (…de la nuit).
« Accueillons tout le monde à bras ouverts. Même si ce n'est que pour un instant. Devenons de meilleures personnes, même si nous allons mourir un jour. »
Klara Benard