Critique : Les femmes au balcon de Noémie Merlant
CRITIQUE NOUVEAUTÉS
Martin Cadot
12/10/20243 min read
En 2024, le cinéma est en quête de renouveau, tant dans sa forme, qui s’enrichit de nouvelles dimensions, que dans son fond, nécessitant une évolution urgente. Longtemps dominé par un regard masculin qui a souvent objectifié les femmes, parfois sans même s’en rendre compte, le cinéma amorce aujourd'hui un changement. Avec Les femmes au balcon, Noémie Merlant redéfinit cette perspective. En collaboration avec Céline Sciamma, qui avait déjà introduit dans Portrait de la jeune fille en feu une vision féminine puissante et libérée du regard masculin, Merlant s’attaque à la condition féminine dans une société où l’homme est souvent perçu comme le chasseur, tandis que la "proie" n’a rien demandé. Dans ce film, la proie refuse son rôle, se rebelle, et renverse la situation, incarnant force et courage.
Trois femmes se tiennent sur un balcon, partagent des désirs et des aspirations, sans que l'homme soit jamais innocent dans l’histoire. Ce quasi huis clos souligne l'aspiration à être libre, à aimer avec justesse et réciprocité, un message que Merlant transmet avec humour. « C’est par l’humour que j’arrive à en parler, à aborder un sujet si complexe », explique-t-elle. Dans un Marseille fougueux, Merlant nous invite à suivre trois amies, Ruby, Nicole, et Elise, qui tentent le tout pour le tout pour se libérer d'une « sale affaire ». Ce scénario est une métaphore puissante des difficultés qu’ont les femmes à dénoncer leurs agresseurs et à sortir victorieuses de ces combats. Ici, faire disparaître un corps devient aussi ardu que de dénoncer la violence masculine.
En dépit des blessures et des fantômes qui les hantent, ces femmes incarnent une liberté qui semble déjà présente en elles, visible et presque palpable. Contrairement à un cinéma traditionnellement axé sur la sexualisation et le fantasme, Merlant nous offre ici un regard féminin nuancé, un female gaze qui met en lumière la lutte des femmes pour exister par elles-mêmes, sans dépendance ni compromis. Elle affirme la possibilité d'une solidarité entre femmes, loin de toute objectification, et montre que la quête de liberté peut se vivre collectivement et de manière autonome.
Les femmes au balcon s’inscrit dans une nouvelle vague du cinéma qui n’hésite pas à dénoncer avec fermeté, mais sans détours didactiques. La caméra capte des moments intenses, brutaux, où les costumes et les couleurs deviennent des indices visuels de l'affirmation des personnages. À travers une mise en scène oscillant entre la comédie, le gore et l’horreur, Merlant offre au spectateur une réflexion sur la société et ses normes, en lui montrant que le cinéma peut être à la fois un miroir et un vecteur de changement.
Ainsi, Les femmes au balcon incarne un espoir vibrant : celui d'un cinéma plus juste et plus conscient, où le rire devient une arme puissante dans la lutte pour la reconnaissance et la liberté. Merlant y capte la complexité des parcours féminins sans jamais en détourner la profondeur, signant un quasi-huis clos contemporain qui porte haut les couleurs de l’indépendance et de la révolte.
Martin Cadot





