Critique : La mer au loin de Saïd Hamich

CRITIQUE NOUVEAUTÉS

Martin Cadot

2/3/20252 min read

La Mer au loin de Saïd Hamich est un mélodrame poignant qui retrace, sur une décennie, le parcours d’un émigré arrivé clandestinement à Marseille. Inspiré par Tous les autres s’appellent Ali de Rainer Werner Fassbinder, lui-même influencé par Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk, Saïd Hamich propose ici une vision renouvelée de l’amour, en explorant la relation entre un exilé et une femme française plus âgée.Dès les premières scènes, Ayoub Gretaa incarne Nour avec une intensité troublante, oscillant entre l’insaisissable et le perceptible. À travers ses regards empreints de douleur, on devine la dureté du départ de son pays d’origine. Pourtant, ses paroles et ses gestes traduisent un nouvel élan : celui de croire en un avenir possible, où les regrets du passé ne parviendront pas à éteindre sa flamme. Les personnages secondaires jouent un rôle crucial dans la transformation de Nour, en l’aidant à se réinventer.







D’abord entouré d’amis partageant sa situation d’exil, il croise ensuite le chemin de Serge (interprété par Grégoire Colin), un policier dur mais vulnérable, touché par la beauté de Nour. Serge vit avec sa femme Noémie (Anna Mouglalis), dans un couple où la liberté a pris le dessus sur la convention. Nour s’immisce presque par accident dans leur vie, et le désir devient pour chacun une quête essentielle. Après la mort tragique de Serge, quelques mois seulement après leur rencontre, une relation amoureuse naît naturellement entre Nour et Noémie. L’histoire progresse par des bascules subtiles : lorsqu’un personnage entre en scène, il bouleverse l’équilibre et devient, à son tour, central pour Nour. Chaque rencontre redéfinit le protagoniste, enrichissant son parcours et donnant à son exil une autre signification. Contrairement au film de Fassbinder, où le racisme étouffe le développement du personnage principal, Hamich permet à Nour d’exister pleinement en dehors des stéréotypes liés à son identité. Nour est un homme qui aime, qui désire, qui réfléchit et qui espère. Par son humanité, il parvient à se reconstruire en France, là où d’autres, comme son ami solitaire, restent enfermés dans une existence marginale.







Le film, découpé en quatre parties distinctes, met en lumière les liens de Nour avec différents personnages, chacun révélant une facette inédite de sa personnalité. En seulement deux heures, Hamich dresse un portrait complexe et nuancé, soutenu par une esthétique remarquable. La photographie, somptueuse, nous plonge dans les années 1990, et la bande-son mêlant musique raï, ce genre algérien chargé à la fois de mélancolie et de joie, amplifie l’émotion du récit.

La Mer au loin est une œuvre captivante, où chaque détail – des interactions humaines à la mise en scène – contribue à donner à Nour une présence puissante à l’écran. C’est un film sur l’espoir, la résilience et la capacité à aimer malgré les blessures du passé.

Martin Cadot