Critique: HUNDREDS OF BEAVERS : des centaines d’inspirations, une comédie unique
CRITIQUE ANCIENS FILMS
Baptiste Brocvielle
12/23/20243 min read
Il est vain de chercher notre identité dans le passé. Tel était le constat face à la récente tentative de Ridley Scott de rénover son Gladiator. Mais il est tout autant vain d’opposer unicité et passé. La création, bien que nouvelle, est et restera toujours la somme d’influences nées de celles qui l’ont précédée. Ce qui a été devient un terreau infini d’inspiration, au service de la création de ce qui sera.
Ainsi certaines œuvres assument plus que d’autres leur ascendance, naviguant entre plagiat et hommage. Dans ces eaux parfois troubles, Hundreds of Beavers a mis cap sur cette seconde vision. Keaton et Chaplin jusqu’au Monty Python ; de Evil Dead à Braindead, en passant par les Looney Tunes et Wallace & Gromit ; où la survie en terre glaciale de The Revenant rencontre le ludisme de Mario Party. Toutes ces références semblent avoir été mixées afin de créer le fabuleux cocktail de 110 minutes qu’est Hundreds of Beavers.
Le réalisateur Mike Cheslik et sa petite équipe ne tombent néanmoins pas dans l’écueil de la simple citation. Toutes ces inspirations ont été assimilées afin que leur fusion résulte en une œuvre originale et rafraichissante. Le noir et blanc, renforcé par des paysages enneigés, créer une synergie entre effets spéciaux numériques et animation ; tandis que le choix du mutisme met l’emphase sur les expressions faciales, la musique et le sound design.
L’art nait de contraintes. Les contraintes liées à la conception d’Hundreds of Beavers sont multiples mais se résument brièvement : 150 000 dollars. Avec un tel budget, la volonté de rendre hommage aux comédies des années 20 et 30 n’apparait que plus cohérente. Ce cinéma qui repoussait sans cesse les limites techniques à l’aide d’artifices, le metteur en scène devenant plus proche du magicien que du technicien. On retrouve ici, un siècle plus tard, cette perpétuelle inventivité : à la fois dans l’écriture des situations absurdes que dans leur mise en scène. Rares sont les films aussi grisants à suivre, où les très nombreux setup-payoff viennent constamment récompenser le spectateur.
Ce spectateur, avec qui Hundreds of Beavers réussit à créer une proximité assez inédite dans l’industrie contemporaine. En effet, cette débrouillardise qu’on devine à l’écran insuffle une authenticité naturellement absente des productions à grand budget. Une certaine sympathie s’empare du public, témoin d’une démarche qui semble d’abord cinéphilique avant d’espérer être lucrative. Ce lien est cultivé au-delà même de la salle de cinéma : à travers un site dédié au film, en répondant aux questions posées directement sur Reddit, en énumérant les sources d’inspiration dans une liste Letterboxd et en donnant la possibilité aux admirateurs de financer eux-mêmes sur Ulule la sortie en Blu-ray et DVD. Il faut dès lors préciser que le tournage du long métrage a eu lieu pendant la pandémie de Covid-19. Période où les outils de communication et réseaux sociaux ont pris une place encore plus prépondérante, permettant d’atténuer virtuellement l’éloignement physique.
Cet œuvre survient ainsi comme une petite révolution dans le paysage audiovisuel actuel. Héritier d’un cinéma révolu, mélangeant habilement ses influences et leurs genres pour n’en retenir que le meilleur ; il demeure conscient des outils modernes mis à sa disposition, aussi bien dans sa réalisation que dans sa communication avec le public.
A la fois drôle et touchant, Hundreds of Beavers renoue avec l’art du spectacle qu’est le cinéma. Une véritable fenêtre sur le burlesque des années folles. Quand la parcimonie des dialogues laissait la place aux prestations des acteurs. Quand chaque image, dépourvu de couleur, marquait tant la pellicule que l’œil du spectateur.
Baptiste Brocvielle





