Critique : Cut de Kimble Rendall
CRITIQUE ANCIENS FILMS
Bertille Lucarain
4/12/20252 min read
Le risque, en reprenant les codes d’un navet pour en faire l’apologie, c’est de refaire un navet. C’est peut-être ce qui a été reproché à Kimble Rendall, qui a pourtant refusé de céder à la facilité d’une simple parodie. Car on ressent dans “Cut” un amour sincère pour le film gore horrifique américain, qui parle pour lui-même. C’est plutôt l’occasion d’aborder le genre de l’intérieur, à travers son processus même de création. On y voit l’engouement de jeunes étudiants pleins d’entrain et d’ambition à l’idée de réaliser un grand film; on y voit des stars à plusieurs visages qui font leur numéro, une jeune productrice qui voit dans le cinéma d’horreur un exutoire social et politique, on y voit l’envers d’un tournage, que l’intrigue se plaît à confondre et mêler avec la fiction que Raffy, jeune réalisatrice brillante, s’entête à mettre en scène à l’écran.
Et bien entendu, on a notre lot de sang, de couteaux, de vieux manoirs, de feu, d’égorgés, de monstres. Sans se moquer de l’horreur exagérée et gratuite du slasher gore des années 1990, Kimble Rendall ne recherche pas la pure angoisse, mais propose une mise à distance comique qui respecte l’intégrité du genre, en entrecroisant fiction et réalité : quatorze ans auparavant, une réalisatrice a été sauvagement assassinée par l’acteur qui jouait le monstre, en plein tournage de son film d’horreur. Depuis, à chaque revisionnage de projet interrompu, des meurtres sanglants sont commis. Raffy et son équipe sont bien décidés à terminer le film, réveillant ainsi l’antagoniste principal qui erre dans la nature, commettant dans l’ombre les meurtres les plus infâmes.
Le scénario parait classique, et ce n’est pas tant par son propos qu’il montre son intérêt, que plutôt par le délicieux emmêlement des quiproquos entre personnages et acteurs, histoire et vérité, tournage et ambition, sensation et frayeur, au point que l’émotion induite par des scène extravagantes et invraisemblables est décuplé par la confusion, car les chimères et autres angoisses purement cinématographiques envahissent la réalité.
C’est un film dans un film, c’est un film sur un film, qui met en scène avec moult effets des vies détruites par un film qui prend vie.
Toutefois, Cut ne saurait rassasier un public que la violence exubérante et gratuite ne satisfait pas: du scénario ne reste pas grand chose de plus qu’un prétexte pour exposer du gore et du sanguinaire, et certaines invraisemblances auraient pu être évitées, pour renforcer la crédibilité, et ainsi la subtilité, de cette oeuvre. Est décevant également le recours au surnaturel, dont la métaphore d’une revanche cinématographique n’est pas assez développée pour avoir de l’intérêt.
Bertille Lucarain



