Classe moyenne, vraiment un Parasite à la française ?
CRITIQUE NOUVEAUTÉS
Kassandre Lou Vinatier
10/6/20254 min read
Une luxueuse villa, une piscine d’un bleu azur, le soleil du Sud et le chant des cigales ; le parfait cocktail pour des vacances d’été. C’est ce que croyait Mehdi (Sami Outalbali), dernier petit-ami en date de Garance (Noée Abita), fille d’un riche avocat (Laurent Lafitte) et d’une actrice des années 90 (Elodie Bouchez). Mais, c’était sans compter sur la présence de la famille Azizi (Laure Calamy, Ramzi, Mahia Zrouki), homme et femme à tout faire pour la famille Trousselard depuis maintenant 7ans.
Des années de ressentiments cristallisés volent en éclat lorsque Tony Azizi se retrouve couvert des excréments des Trousselard, qui n’est pas sans rappeler la fameuse scène de remontée d’égout du film de Bong Joon Ho. C’est alors le début d’une série de coups bas et de mensonges avec, à la clé, un gros pactole.
D’emblée, le cadre est posé : D’un côté les riches blancs pleins d’égo, déconnectés de la « vraie vie », et de l’autre, les pauvres arabes un peu beaufs mais soudés. On se dit « encore un film français cliché sur les méchants riches et les gentils pauvres qui gagnent à la fin », mais ce serait (un peu) se tromper.


Alors oui, les personnages sont caricaturaux. Très caricaturaux. Mais c’est ça qui fait tout le film. Car malgré leurs différences, leurs évolutions convergent toutes vers le même point d’amoralité ultime, brouillant ainsi les frontières entre les classes sociales. Pour incarner ces personnages exécrables qu’on adore détester, Cordier réunit un casting en or avec notamment Laurent Lafitte qui joue à la perfection ce genre de personnage (Elle l’adore, Au revoir là-haut, De l’autre côté du périph, les Barbares…). Néanmoins, on ressent une faiblesse dans l’écriture des personnages féminins, surtout celui interprété par Laure Calamy, qui n’est pas vraiment caractérisé.
Le personnage de Mehdi, issu de la classe populaire mais ayant gravi les échelons pour devenir avocat, fait alors la jonction entre les deux familles, sans vraiment trouver sa place. Mais son personnage ne tombe jamais dans le cliché : il a du répondant face à son beau-père et ne méprise ni n’encense les Azizi. En fait, c’est le seul individu « modéré» dans ce film.
Niveau rythme, c’est assez inégal. Une situation initiale qui semble s’éterniser suivi d’un élément déclencheur pas assez percutant pour prétendre à une telle réaction. Et on sent que pour pallier cette cadence (ou son absence), le réalisateur mise sur un montage dynamique qui convoque parfois des faux raccords voire même des sauts de l’axe des 90°, résultant en une espèce de confusion au niveau de l’espace.
Les différentes scènes de “vacheries” sont présentées comme des actes au théâtre qu’on pourrait nommer (“le jacuzzi”, “les farcis”, “la piscine”, etc…) et redonnent du punch à l’histoire. On sent que Cordier et ses co-scénaristes s’y sont donnés à coeur joie pour malmener leurs personnages. Les saynètes prêtent à sourire mais il ne faut pas s’attendre à une comédie qui enchaîne gags sur gags, tels que les trailers laissent à penser. En effet, l’humour est plutôt subtil et repose essentiellement sur le langage et la manière qu’ont les personnages de s’adresser les uns aux autres, sans pour autant que le film tombe dans le prétentieux ou le pédant.




L’image est plutôt jolie avec un étalonnage qui rappelle la pâte de Wes Anderson et ce jaune estival à l’écran. On pourrait se dire que c’est un peu facile de mettre du jaune pour un film de vacances, mais cette couleur un peu trop pétante par moment caractérise également la jalousie et la maladie, aspects qui gangrainent ces deux familles. Les plans sont simples; des lignes directrices qui enferment les familles chacune de leur côté, des plongées / contre plongées qui varient en fonction du personnage et à qui il s’adresse, des plans rapprochés pour créer du malaise… Ça reste assez scolaire.
Mais est-ce que ça critique vraiment quelque chose? La réponse courte est: un peu oui et pas mal non. Oui, car le film dépeint les enjeux capitalistes derrière chacune des relations humaines et à quel point l’argent nous fait oublier notre propre morale. Non, parce que le film ne se mouille pas. Ca dit vouloir parler de la lutte des classes mais ce qui en ressort c’est une satire pleine de bien pensance inoffensive pour n’attiser aucune haine de quelque côté que ce soit. Il n’y pas de débats, pas d’opinions fortes et le film perd alors en crédibilité.
Classe moyenne (d’ailleurs, où est la classe moyenne?) reste néanmoins une bonne comédie portée par des actrices et acteurs au talent indéniable, qui réussissent à faire oublier les quelques faiblesses scénaristiques. Mention spéciale (et je sais que très peu seront d’accord avec moi) pour la fin réservée à Mehdi, j’ai bien ri.
Kassandre Lou Vinatier