Bienvenue à Gattaca - Andrew Niccol, 1997

CRITIQUE ANCIENS FILMS

Louisa Pichs

10/22/20243 min read

Que se passe-t-il quand les étoiles qu’un enfant porte dans ses yeux ne s’envolent pas lorsqu’il grandit ? Qu’est-ce qui peut être capable de séparer un homme de ces étranges choses rondes et bleues que sont ses rêves ? La valeur humaine est-elle quantifiable ?

Dans Bienvenue à Gattaca (Gattaca dans son titre original), Andrew Niccol, désormais scénariste et réalisateur accompli (notamment célèbre pour son scénario du Truman Show), soulève toutes ces questions et en esquisse des formes de réponses.



Il traite le sujet de l’eugénisme (méthode visant à améliorer l’être humain grâce à des modifications génétiques) à travers une dystopie poétique.

Dans une société dans laquelle les parents peuvent décider des gènes de leurs enfants, Vincent, un enfant né “naturellement”, voit ses rêves s’écrouler sous la discrimination génétique, et décide donc de jouer avec les failles de cette société pour les accomplir.



Les personnages que crée Andrew Niccol sont complexes, ambivalents et touchants : interprétés par Ethan Hawke jouant un Marius (cf. Marius - Marcel Pagnol) moderne, rêveur et déterminé, Uma Thurman, beaucoup plus froide en apparence, mais qui se dévoile comme un feu sous la glace, Jude Law, qui joue sur l’irascibilité de son personnage meurtri par cette société, et Vincent Nielson, qui met en valeur l’équivocité de son personnage dont le cœur est en conflit avec la raison. Ils errent dans des décors géométriques et froids accordés à cette société dystopique, mettant en valeur par contraste l’humanité et la chaleur des personnages.

Le réalisateur intègre également à sa mise en scène la voix-off du personnage principal qui nous partage ses songes, et les compositions si envoûtantes de Michael Nyman : dans le film, la musique tient son propre rôle, chaque thème se rapporte à une relation, une émotion, un rêve, et participe à rendre le film si vivant.



Au-delà de faire une critique des évolutions technologiques et de mettre en garde sur leurs conséquences actuelles ou possibles sur la société, notamment l’eugénisme, Andrew Niccol se penche sur des questions plus philosophiques. Il évoque les influences et dégâts qu’une société peut avoir sur la confiance en soi, le rapport au sacrifice, aux rêves, le syndrome de Wanderlust (désir de partir loin, désir obsessionnel de liberté) : l’appel des étoiles. Il aborde ces thèmes à travers une approche cinématographique poétique, explorant des techniques comme le montage, par exemple dans la scène gorgée de tension dans laquelle Eugène gravit les escaliers en colimaçon, ou encore la scène finale dont, sans dévoiler aucun détail, le montage alterné dépasse les limites de l’émotion.



Le genre de la dystopie est un genre compliqué à traiter au cinéma sans tomber dans le cliché, le film mainstream qui oublie ses personnages ou les outils cinématographiques que la caméra lui donne. Dans Gattaca, le réalisateur trouve une relation équilibrée entre la forme et le fond de son propos.

Par ailleurs, il parvient à donner au spectateur une forme d’espoir à travers son relativisme : peut-être que tout cela ne rime à rien, peut-être que nous ne sommes tous que de la poussière provenant de la même étoile, considération qui transforme ainsi toute forme de discrimination en une ridicule distraction humaine.

Si vous avez envie d’un film qui vous fera rêver, qui pénétrera votre cœur pour ne jamais en ressortir, je ne peux que vous conseiller de voir, ou bien de revoir ce chef-d’œuvre qu’est Bienvenue à Gattaca.

Louisa Pichs


copyright image Ethan Hawke Uma thurman : " Photo ajoutée le 16 novembre 2005|Copyright Columbia Pictures Corporation"

copyright image fauteuil roulant : " Photo ajoutée le 12 février 2008|Copyright D.R."